Danger pour l’employeur ? Justice pour les salariés ? La Cour de cassation modifie le régime des heures supplémentaires

Heures supplémentaires

Par deux arrêts du 14 novembre 2018, la Chambre sociale de la Cour de cassation a modifié sa position traditionnelle ;en matière d’heures supplémentaires ; une décision qui va imposer aux employeurs encore plus de rigueur dans le suivi du travail de leurs collaborateurs.

 

1/ Le régime traditionnel des heures supplémentaires

Les salariés ne pouvaient pas réclamer le paiement d’heures supplémentaires effectuées sans que l’employeur le leur ai demandé ou l’ait accepté.

Pour les salariés, l’enjeu était de prouver que l’employeur était bien conscient du travail à effectuer et avait demandé (ou au moins cautionné) que des heures supplémentaires soient effectuées.

Cass. Soc. 20 mars 1980, n°78-40979

 

La Haute juridiction avait déjà admis une évolution en reconnaissant que l’accord de l’employeur n’était pas nécessaire si les heures supplémentaires étaient imposées par la nature ou la quantité du travail demandé aux salariés.

Cass. Soc. 19 avril 2000, n°98-41071

 

Mais dans tous les cas, le paiement restait difficile voire impossible si l’employeur s’était expressément opposé à la réalisation des heures supplémentaires.

 

2/ Le régime des heures supplémentaires posé par les arrêts du 14 novembre 2018

La Cour de cassation décide de modifier le régime de la preuve, au bénéfice des salariés.

En appliquant son raisonnement, désormais il serait possible de demander le paiement des heures supplémentaires que les salariés ont réalisées même lorsque l’employeur s’y était expressément opposé.

Au surplus, il ne serait plus nécessaire de faire référence à la nature ou la quantité du travail demandé.

Les salariés doivent simplement prouver que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Cass. Soc. 14 novembre 2018 n°17-20659

Cass. Soc. 14 novembre 2018, n°17-16959

 

3/ Les risques de ce régime pour l’employeur

Si ce régime est considéré comme parfaitement juste et équitable pour les salariés dont le travail nécessite de dépasser les 35 heures hebdomadaires, l’employeur a plus de souci à se faire.

L’avancé du 19 avril 2000 permettait déjà de rendre justice aux salariés dont la quantité de travail n’était pas gérable dans les horaires habituels.

Il fallait s’adonner à une démonstration quasi mathématique, en calculant le temps nécessaire au travail donné. Cela s’appliquait notamment aux salariés dont l’activité pouvait fluctuer selon les périodes (nécessité de faire un inventaire ou une clôture des comptes mensuelle ou annuelle par exemple.)

Sorti de cette argumentation « contrôlée » et disons plutôt objective, le paiement des heures supplémentaires réalisées à l’initiative des salariés était beaucoup plus difficile.

Les arrêts du 14 novembre 2018 portent deux évolutions :

D’abord ils viennent autoriser les salariés à remodeler leur durée du travail selon leurs propres nécessités, et malgré l’interdiction de l’employeur, portant ainsi un coup au pouvoir de direction et d’organisation de ce dernier.

Et ils viennent alléger la charge de la preuve pour les salariés, en leur ouvrant une nouvelle porte pour évoquer d’autres motifs expliquant la réalisation d’heures supplémentaires.

Cette nouvelle motivation est d’ailleurs assez imprécise, puisqu’il est seulement fait référence aux « tâches confiées » aux salariés. Et elle ne semble plus nécessiter de caractériser une quantité en particulier. Elle est donc finalement plus subjective.

Il va maintenant falloir attendre les précisions que pourra donner la Cour de cassation pour affiner son principe.

En attendant, les employeurs ont tout intérêt à mettre au point un système de contrôle de l’activité des salariés, non pas dans une optique péjorative de « surveillance » mais dans une vision d’anticipation des éventuelles demandes de rappels de salaire sur ces heures supplémentaires.

In fine, cette avancé jurisprudentielle est peut-être la prochaine étape vers la généralisation de l’entretien que l’on connaît pour les salariés au forfait-jours ; un entretien régulier destiné à surveiller la charge de travail du salarié et sa compatibilité avec sa vie personnelle.

Cette nouvelle jurisprudence est peut-être aussi l’occasion pour les employeurs d’envisager une organisation du travail différente, soit en recourant au forfait-jours quand les circonstances le justifient, ou en répartissant le travail sur une durée supérieure à la semaine (annualisation, travail par cycle, etc.).

Pour plus de renseignement sur ces méthodes, demandez une consultation personnalisée.

NB : Les salariés ont 3 ans pour demander ces rappels salariaux, à compter de la réalisation desdites heures supplémentaires (Cf Etude sur ce sujet « ACTION CPH »)

 

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