Le harcèlement moral, qu’est-ce que c’est ?
Les salariés font souvent appel à cette notion quand ils envisagent d’intenter une action en justice contre leur employeur. Mais la situation qu’ils vivent ne s’apparente pas toujours à du harcèlement moral au sens légal, même s’il existe une vraie souffrance. En conséquence leur demande en justice est souvent rejetée.
Afin de comprendre pourquoi, il faut reprendre la définition du harcèlement moral.
Qu’entend-on vraiment par Harcèlement moral ?
L’article L.1152-1 du Code du travail dispose que « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ».
Le harcèlement a pu être caractérisé dans les cas suivants par exemple :
- La désorganisation des missions du salarié, l’adjonction ou la suppression de tâches de travail, ou le manque de moyen donné pour les accomplir (CA Rennes, 4 avril 2018, n°15/07786) ;
- La notification de sanctions abusives, mise à l’écart et diminution des responsabilités (Cass. Soc. 23 novembre 2011, n°10-18571 ; Cass. Soc. 20 octobre 2009, n°08-43322 ; Cass. Soc. 6 janvier 2011, n°09-66704 ; Cass. Soc. 18 mars 2014, n°13-11174) ;
- Le comportement managérial de l’employeur qui soumettait le salarié à une pression continuelle avec des reproches incessants, le mettait à l’écart, affichait son mépris à son égard et ne communiquait pas avec lui sauf au travers d’un tableau (Cass. Soc. 10 novembre 2009, n°07-45321) ;
- Le déclassement de la salariée et la multiplication des procédures disciplinaires contre elle, provoquant une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à sa santé physique ou mentale (Cass. Soc. 16 avril 2008, n°06-41999).
Souffrir de ses conditions de travail ne sera donc pas toujours suffisant pour caractériser un harcèlement moral.
Il faudra pouvoir dénoncer un ou plusieurs agissements répétés précis, en les déterminant et en les prouvant afin que la juridiction les vérifie.
Et il faudra rapporter la preuve qu’en découle un préjudice pour le salarié, par exemple sur sa santé, ou sur son évolution de carrière.
Comment prouve-t-on qu’on est victime de harcèlement moral ?
Le salarié victime d’un tel harcèlement dispose de 5 ans pour le faire constater par un Conseil de prud’hommes. Il s’agit d’une prescription dérogatoire, plus longue (Article L.1471-1 du Code du travail).
Le salarié doit apporter des preuves laissant présumer l’existence du harcèlement moral. A charge pour l’employeur, ensuite, de prouver l’inverse.
L’article L.1154-1 du Code du travail dispose que « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »
La Cour de cassation a rappelé l’importance accordée aux explications de la victime du harcèlement, même lorsqu’elles reposent sur peu d’éléments.
Les Juges doivent appréhender les faits dans leur ensemble et rechercher si le harcèlement est caractérisé (Cass. Soc. 24 septembre 2008, n°06-46517 ; Cass. Soc. 10 novembre 2009, n°07-45321).
Même si la charge de la preuve est partagée, il est vivement conseillé au salarié de constituer un dossier solide pour optimiser ses chances de succès devant la juridiction prud’homale.
Il peut s’agir de preuves de toute nature : mails, SMS, photo, certificats médicaux, attestations de témoins, avis du médecin du travail, plainte auprès du CSE ou de l’inspection du travail, alerte auprès de l’employeur, arrêt maladie, ordonnances etc.
Nous conseillons de porter d’abord la difficulté à la connaissance de l’employeur via une lettre recommandée avec accusé de réception. Ce n’est qu’à défaut de réaction de sa part que le Conseil de prud’hommes doit être saisi.
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Cet article est non-exhaustif. Le Cabinet FOUQUE-AUGIER vous propose une analyse personnalisée de votre situation pour estimer si des demandes au titre du harcèlement moral peuvent être portées devant un Conseil de prud’hommes, et sous quelle forme (indemnitaire, obligation de faire, rupture du contrat etc.).