S’il est un grief qui prolifère devant les juridictions prud’homales, c’est bien celui de harcèlement moral.
Face à l’indéniable hausse de cette demande, les juridictions sont contraintes de faire le tri. Elles déboutent les salariés qui ne présentent pas de dossiers suffisamment probants.
1. La preuve du harcèlement moral
Même si la charge de la preuve est partagée entre les parties, le salarié doit apporter les premiers éléments de conviction.
Le salarié établit les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, et la partie défenderesse prouve que ces agissements n’en sont pas constitutifs mais sont justifiés par des éléments objectifs. Article L.1154-1 du Code du travail.
C’est donc la course aux pièces pour constituer ledit dossier. Classiquement sont produits au débat des attestations ou des mails recueillis sur le lieu de travail.
Mais il peut aussi s’agir d’éléments du dossier médical du salarié. Ils sont présentés comme incontestables puisqu’émanant d’un professionnel du domaine (ordonnances, certificats médicaux…).
Attention alors !
2. Un certificat médical ne peut pas toujours prouver le harcèlement moral
Les certificats et fiches d’aptitudes du médecin du travail sont évidemment recevables pour prouver le harcèlement moral.
En revanche, sont mal-fondés les certificats médicaux du médecin traitant, qui établissent un lien entre l’état de santé de son patient (le salarié) et son travail.
En effet, le médecin ne doit pas délivrer de certificat de complaisance. Et il ne peut établir de certificats ou attestations que sur la base des constatations médicales qu’il a été en mesure de faire. Articles R.4127-28 et R.4127-76 du Code de la Santé publique
La jurisprudence de la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins est particulièrement stricte sur la notion de constatations personnelles.
Elle juge par exemple :
« Qu’ainsi le Dr T ne s’est pas borné aux constatations médicales qu’il était en mesure de faire et dont la pertinence n’est d’ailleurs pas en cause, à décrire l’état de sa patiente, et à rapporter ses dires, mais a fait état de « harcèlements au travail » dont il n’avait pas été témoin et dont il n’avait pas pu contrôler la véracité » (Ch. Disc. Nationale de l’Ordre des médecins – 4 mai 2009, n°10033).
En d’autres termes, sont inefficaces pour appuyer le grief de harcèlement moral les certificats médicaux établis par un médecin autre que le médecin du travail. Même s’ils font état d’un lien de causalité entre l’activité professionnelle et l’état de santé du patient.
La spécialité exercée par le médecin auteur dudit certificat importe peu. Dès lors qu’il n’a pas été en mesure de se rendre sur le lieu du travail, il ne peut pas faire ses propres constatations.
3. Faire un certificat médical efficace dans un contexte de harcèlement moral
Pour que le document soit probant, le praticien doit décrire clairement l’état de santé qu’il constate. Et il doit indiquer que parallèlement, son patient lui rapporte des difficultés rencontrées dans le cadre de son activité professionnelle. Ainsi, il prend garde de ne pas établir lui-même un lien impossible.
Cette précaution permet d’éviter le rejet desdites pièces par les juges. De même qu’elle permet de protéger le médecin traitant.
4. Comment l’employeur peut contester le certificat médical
A défaut, l’employeur peut engager la responsabilité de ce dernier en déposant une plainte contre lui par devant le Conseil départemental de l’Ordre des médecins territorialement compétent. Article L.4123-2 du Code de la santé publique.
Cette saisine se fait par lettre recommandé AR. Elle donne lieu à une conciliation, organisée entre l’employeur et le médecin.
Si les parties ne parviennent pas à un accord, la procédure se poursuit. Alors elle est portée devant la Chambre disciplinaire de Première instance, pouvant donner lieu à une sanction disciplinaire…
« Prudence est mère de sûreté ! »
