Quelle attitude doit avoir l’employeur en cas de suspension du permis de conduire d’un salarié ?
La suspension du permis de conduire, ou son retrait, ne constituent pas en eux-mêmes une faute passible de sanction disciplinaire.
L’employeur devra analyser les circonstances entourant cet événement. Ensuite seulement il pourra décider de prendre une quelconque mesure. Cette mesure pourra être disciplinaire, ou non.
Il faut distinguer deux hypothèses, selon que l’évènement est survenu pendant le temps de travail, ou non.
1. Suspension du permis de conduire pour une infraction commise en dehors du temps de travail
Dans ce cas l’employeur ne pourra a priori pas s’orienter vers une sanction disciplinaire. En effet, la suspension du permis est un évènement de la vie personnelle du salarié. Par conséquent il ne peut pas constituer une faute professionnelle. (Cass. soc. 3 mai 2011, n°09-67464)
Par exception, un évènement personnel peut être sanctionné s’il constitue un manquement à une obligation contractuelle.
L’employeur devra donc rechercher dans quelle mesure la suspension du permis de conduire vient violer les obligations contractuelles du salarié. Et ce, que la suspension soit temporaire, plus ou moins longue, ou qu’il s’agisse d’un retrait total.
Si cette violation n’est pas caractérisée, la sanction prononcée encourra l’annulation.
Donc, sauf à se situer dans un tel cas, aucune sanction ne pourra intervenir.
Pourtant la suspension du permis de conduire peut être un obstacle à la réalisation de son travail par le salarié. Alors elle peut entraîner une désorganisation de l’entreprise.
Comment l’employeur peut-il réagir ?
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La rupture du contrat de travail en réponse à la suspension du permis de conduire
L’employeur peut licencier le salarié si le retrait du permis de conduire l’empêchait d’exercer la mission pour laquelle il a été engagé. (Cass. soc. 24 janvier 2007, n°05-41598)
Le licenciement ne serait pas disciplinaire mais pour une « cause réelle et sérieuse ».
En pratique cela signifie que ce licenciement ne priverait pas le salarié des indemnités de départ.
Attention toutefois, avant de prendre cette décision radicale, l’employeur doit s’assurer que le salarié n’est pas du tout en mesure de travailler. Il doit par exemple s’interroger sur :
- La durée de la suspension du permis de conduire,
- La possibilité pour le salarié de se faire véhiculer ou d’emprunter un autre moyen de transport.
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La suspension provisoire du contrat
Une solution moins radicale est de proposer au salarié de prendre un congé sans solde. Elle vaut notamment en cas de suspension du permis de conduire pour une courte durée.
Il faut que le salarié soit d’accord. Cela ne peut pas lui être imposé.
Mais attention, il faut s’assurer que cela ne soit pas interprété comme une mise à pied déguisée.
2. Suspension du permis de conduire pour une infraction commise pendant le temps de travail
Par exception, l’employeur pourrait envisager de prendre une sanction disciplinaire. Tel serait le cas si le salarié, en commettant l’infraction au code de la route, a violé son obligation d’exécution loyale du contrat.
La sanction doit être proportionnée à la faute reprochée au salarié. Elle doit aussi tenir compte de ses antécédents disciplinaires.
Elle peut aller du simple avertissement, au licenciement, en passant par la mise à pied.
Ainsi, repose sur une faute grave le licenciement du chauffeur-livreur en état d’ébriété, responsable d’un accident de la circulation l’ayant privé de son droit de conduire pour une durée de 15 mois. (Cass. soc. 15 novembre 1994 n° 93-41897)
Est également justifié le licenciement pour faute grave du chauffeur de car ayant occasionné un accident dans une agglomération en raison d’une vitesse excessive (CA Paris 6 juin 2003, n° 02-30310).
Le licenciement ne pourra pas toujours être prononcé. Toute est une question de circonstances.
C’est pourquoi il est conseillé à l’employeur, avant de prendre une quelconque sanction, de se renseigner sur les circonstances exactes de l’infraction qui peuvent faire varier son degré de gravité.
La gravité sera notamment qualifiée si le salarié a eu un comportement dangereux sur la route. Par exemple, en mettant en péril la sécurité d’autres salariés présents dans le véhicule, et la sécurité des tiers.
En ce sens, la jurisprudence autorise le licenciement pour faute grave du salarié :
- Pilote de ligne qui a fait courir un risque aux occupants de l’avion ( Soc. 14 décembre 1983, n°81-40924),
- Chauffeur de transport en commun qui a conduit en état d’ivresse ( Soc. 24 janvier 1991, n°88-45022),
- Chauffeur livreur qui a conduit le véhicule de l’entreprise avec un taux d’alcoolémie constitutif d’une infraction pénale ( Soc. 6 mars 1986, n°83-41789),
- Chauffeur poids lourds qui a fait l’objet d’un contrôle d’alcoolémie positif par les services de gendarmerie, alors qu’il conduisait le véhicule de l’entreprise donnant lieu à un retrait immédiat de son permis de conduire ( Soc. 30 septembre 2013, n°12-17182),
- Qui a consommé du cannabis sur le lieu de travail ( Soc. 1er juillet 2008, n°07-40053, et n°07-40054).
Nota Bene
NB : Même si les faits sont avérés, l’appréciation de la gravité de la faute, et donc de la sanction afférente sera laissée aux juges, qui pourront dire que le licenciement est disproportionné.
NB 2 : La lettre de licenciement doit être bien rédigée : elle devra viser le comportement dangereux, l’attitude déloyale, la violation contractuelle, et non pas la seule perte (ou suspension) du permis.